Imazighen de Libye ne sauront accepter une autre Constitution que celle
de l’égalité, de la justice et des droits. Ils appellent à la sagesse et
à la rationalité pour éviter des malentendus qui peuvent coûter cher à
la Libye.
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Il y a un peu plus d’un an, en septembre 2011, une démonstration
exemplaire fut organisée à Tripoli. Avec un congrès ayant rassemblé plus
de 4000 personnes, suivi le lendemain d’un rassemblement de 300 000
personnes à la Place des Martyrs qui s’est vue inondée des couleurs des
drapeaux amazighs comme jamais vu ailleurs. Imazighen de Libye avaient
alors réussi un exploit.
Avec la célébration du nouvel an amazigh, Yennayer 2963 (2013), qu’ils
ont par ailleurs proclamé le 31 décembre 2012 jour férié à travers
l’ensemble des régions amazighophones, Imazighen de Libye ont pris
rendez-vous avec l’Histoire.
C’est en effet, en ce 12 janvier qu’a eu lieu le Forum des droits
constitutionnels des Imazighen de Libye. Ledit Forum qui s’est tenu à
l’hôtel Rixos au siège du
Congrès général national libyen
(Parlement), est organisé par les Conseils locaux des régions
amazighphones. De nombreux invités sont venus de par le monde. Étaient
présents le président du Congrès général, d’autres membres du Congrès
ainsi que des membres du gouvernement libyen. Des représentants des
différents partis politiques libyens et nombre de délégations étrangères
notamment des ambassadeurs et des représentants de l’
Union européenne ainsi qu’une délégation des
Nations Unies étaient de la partie. Il y avait aussi des Imazighen venus de différentes régions de Tamazgha.
La tribune réservé aux interventions lors du forum est encadrée par
deux drapeaux ; un libyen et un amazigh. Sur les côtés aussi étaient
déployés des drapeaux amazighs et libyens. C’est dans ce décor que
l’ensemble des intervenants ont pris la parole après avoir écouté
l’hymne national libyen en arabe et en tamazight. Parmi eux, le
président du
Congrès général national libyen, Mohamed Maqrif, qui
s’est déclaré favorable à l’officialisation et la reconnaissance de
Tamazight dans la Constitution libyenne ; position qu’il a eu déjà à
exprimer en novembre 2012 à Jadu à l’occasion du
Festival Tafsut.
Des membres du gouvernement, des représentants de nombre de partis
politiques libyens se sont succédé à la tribune pour s’exprimer au sujet
des droits constitutionnels des Imazighen de Libye.
A la clôture de ce Forum, une déclaration fut lue par Tarik Attouchi,
Président du Conseil local d’At-Willul (Zouara), au nom de l’ensemble
des présidents des Conseils locaux des régions amazighophones ainsi que
les membres du Congrès général représentants les régions amazighophones.
Il a été annoncé la mise en place du
Haut Conseil des Imazighen de Libye
(HCIL) qui sera désormais le cadre qui va rassembler l’ensemble des
Imazighen et qui sera la direction unifiée de leur action pour la
réalisation de leurs droits.
Le
Haut conseil des Imazighen de Libye est une organisation
qui a pour mission de prendre en charge les affaires politiques des
Imazighen de Libye. Dans leur déclaration, les Conseils locaux des
régions amazighophones et les représentants de ces régions au
Congrès général national libyen,
ils ont ont annoncé un certain nombre de recommandations en direction
des rédacteurs de la future Constitution de la Libye. Ainsi, ils
souhaitent que le préambule de la Constitution soit rédigé dans l’esprit
de la révolution libyenne, qui a pour objectif de passer d’un État
d’exclusion et de marginalisation à un État d’égalité entre les citoyens
dans tous leurs droits et leurs devoirs. Pour eux, l’État doit être un
véritable État de droit qui fera régner la démocratie et les droits de
l’Homme. Ils aspirent à un État de liberté, de dignité et de justice
sociale.
Ils recommandent que soit stipulé dans le corps du texte
constitutionnel que l’identité libyenne est l’identité de l’État libyen,
avec sa profondeur amazighe enracinée et tous ses affluents
civilisationnels et culturels successifs. Aussi, le texte
constitutionnel doit contenir l’engagement pour la visibilité de cette
identité dans tous les slogans de l’État et ses symboles de souveraineté
comme le drapeau, l’hymne national, la monnaie, les documents
d’identité, les timbres postaux, les manuels scolaires, l’information,…
De même, la Constitution libyenne, pour Imazighen, doit stipuler que
"la
langue amazighe est une langue officielle de la Libye et qu’elle est
égale avec les autres langues officielles dans sa valeur auprès de tous
les Libyens". Laquelle Constitution doit également stipuler la
nécessité de la mise en place d’une loi organique qui déterminera les
conditions de l’intégration de la langue amazighe dans les domaines de
la vie publique de l’État libyen afin de garantir sa protection
juridique et pour concrétiser son officialisation. Enfin, pour eux la
Constitution libyenne doit absolument réhabiliter la doctrine ibadite en
instituant le droit de sa pratique légale.
Les Conseils locaux des régions amazighes, organisateurs du
Forum des droits des Imazighen de Libye,
ont tenu à s’exprimer ouvertement et sans tergiversation. Ils
n’attendent aucune faveur particulière des institutions de l’État dans
la mesure où leurs demandes sont un droit naturel et inaliénable. Ils
ont tenu à préciser publiquement devant toute l’assistance et à
l’adresse notamment des autorités légitimes de la Libye, prenant
l’opinion et certaines institutions internationales pour témoins, que la
Constitution que les Berbères respecteront et reconnaîtront sera celle
qui les reconnaîtra et qui mettra tous les Libyens sur le même pied
d’égalité. Cette Constitution-là, Imazighen s’engagent à la protéger et
à la défendre corps et âme. En revanche, ils avertissent et déclarent
qu’une Constitution qui ignorera leurs recommandations et qui ignorera
Imazighen et leurs droits ne sera pas reconnue par ces derniers et
n’aura aucune légitimité sur eux. Ils rajoutent qu’aucune institution
souveraine basée sur une telle Constitution ne les représentera et ils
ne se soumettront à aucune autorité qui s’appuiera sur une Constitution
exclusive de l’amazighité.
Autant dire qu’Imazighen de Libye n’ont plus de temps à perdre et ne
sont pas prêts à attendre davantage pour qu’ils exercent leurs droits
légitimes sur leur propre Terre. Ils ne sont pas prêts, et ils l’ont dit
dans leur déclaration, à s’épuiser et sacrifier leurs vies et l’avenir
de leurs enfants pour répéter et détailler éternellement leurs droits
naturels et inaliénables.
Tout laisse à penser qu’il s’agit là de l’ultime avertissement lancé
par Imazighen de Libye aux tenants du pouvoir et de la décision
politique. Déjà qu’ils ont pris nombre d’initiatives de manière
unilatérale en faveur notamment de la langue amazighe, mais si les
nouvelles autorités libyennes s’engagent dans la voie des autorités de
transition conduites par Moustapha Abdouldjalil, un ancien collaborateur
de Kadhafi, le conflit sera ouvert et Imazighen ne semblent pas être
prêts à négocier quoi que ce soit concernant leurs droits.
Décidément, Imazighen de Libye ne cessent de nous étonner
agréablement et de nous donner des exemples à suivre en matière de lutte
pacifique pour la libération nationale.
Masin Ferkal.
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